Icônes ordinaires

  ©Frédéric Manach

Icônes ordinaires


Au détour d’une rue,
dans une rame de métro,
à la caisse du supermarché…
les situations les plus ordinaires offrent à nos regards, parfois,
des visages troublants, fascinants, lumineux ou bouleversants
des visages qui marquent nos esprits d’une empreinte forte.
Des visages pourtant condamnés à s’éloigner puis à disparaître.

Souvent, tout se passe avant la croisée des regards,
avant les tentatives de séduction ou d’intimidation,
avant les contenances et les convenances,
lorsque l’on peut à loisir observer l’autre, seul avec lui-même.
Rencontres unilatérales en quelques sortes.
Travail de mémoire, travail de la mémoire,
des jours, des semaines, des mois ou des années après.
Ces portraits tentent de garder une trace de ces rencontres furtives,
tels des reliquaires.

Fonds unis,
visages découpés puis marouflés sur des papiers de couleur,
nul besoin de représenter le monde qui les entoure.
Pas davantage leurs attributs.
Chacun vaut pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a.
Seuls les traits du temps
les regards obliques, les regards droits,
les regards ascendants ou descendants importent.

Icônes éphémères
Icônes ordinaires.
Point de représentation du Christ ou de saints.
Nos espoirs et nos désirs,
nos peurs et nos croyances
ne résonnent-ils pas
dans ces visages de passage ?

Ebaucher, construire, creuser, effacer, recommencer.
Effacer à nouveau.
Recommencer sur fond d’égarements cinq, dix, quinze, vingt fois.
Nourrir le dessin d’erreurs, le délester à chaque fois davantage
du poids des contraintes et des attentes sans surprise.
Trouver dans le temps l’inattendu et la liberté de l’accueillir.

                                                                   Frédéric Manach